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Gerard AUBINEAU
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2 novembre 2012

SERVICES PUBLICS

 

Nous ne partageons pas

 

le présupposé de cette proposition de loi

Transition vers un système énergétique sobre

Par Mireille Schurch / 30 octobre 2012

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, passer à une économie durable, assurer une véritable transition énergétique et s’inscrire dans une politique de sobriété énergétique, tels sont les défis que notre pays doit relever : cela n’est pas discutable.

L’énergie, facteur déterminant de notre développement économique, doit faire l’objet d’une consommation raisonnée et raisonnable, tant l’urgence écologique est réelle, la course effrénée au plus grand profit ayant bouleversé un écosystème planétaire fragile.

La transition dont notre pays a besoin passera avant tout par la réduction de notre consommation d’énergies fossiles, par la diminution des émissions de gaz à effet de serre, par la transparence tarifaire, mais aussi par la rénovation thermique, le renforcement du mix énergétique, soutenu par des filières structurées, cohérentes et pérennes, ainsi que par des investissements substantiels en faveur de la recherche.

C’est dans ce contexte qu’il convient de garantir à chacun l’accès à l’énergie en tout point du territoire.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui se présente comme la première étape d’un changement de modèle, mais elle se fonde sur des présupposés que nous ne partageons pas.

Le présent texte part notamment de l’idée selon laquelle les ménages gaspillent. Or de nombreuses études d’opinion l’attestent, nos concitoyens sont sensibles aux enjeux environnementaux et prêts à agir. Toutefois, parallèlement, de nombreuses dépenses énergétiques sont contraintes : logement mal isolé, incapacité à acquérir des matériels à basse consommation énergétique vendus trop cher, manque d’information... L’énergie peut représenter jusqu’à 30 % du budget des ménages.

Cette proposition de loi traduit d’autres postulats auxquels nous ne souscrivons pas, et qui apparaissent en filigrane : une gestion décentralisée de l’énergie serait plus performante ; l’effacement constituerait un marché concurrentiel comme un autre.

À nos yeux, il aurait été plus efficace d’agir rapidement – comme nous l’avons demandé – non seulement sur la fixation des tarifs de l’électricité et du gaz, mais aussi sur les prix d’autres énergies, comme le bois ou le fioul, en associant les usagers, les élus et les salariés à la révision du calcul des tarifs du gaz, ou en revenant sur la loi NOME.

Par ailleurs, il est indispensable d’étendre au plus vite la trêve hivernale et d’augmenter le nombre de bénéficiaires de tarifs sociaux, ce que le pouvoir réglementaire, c’est-à-dire le Gouvernement, peut faire immédiatement. (Mme la ministre fait des signes de dénégation.)

Ce texte comprend un volet social et un volet environnemental, sans cependant avoir les moyens de ses ambitions. C’est à se demander si ces deux objectifs sont les buts réels du mécanisme proposé !

En effet, le bonus-malus prévu à l’article 1er, qui ne s’appliquera qu’aux ménages et non au secteur tertiaire, pourtant extrêmement énergivore, est à la fois injuste et impraticable.

Ce dispositif est injuste car, pour « économiser massivement l’énergie » un système de bonus-malus est instauré sur la base de critères complexes, voire arbitraires : zones climatiques, nombre d’occupants du foyer fiscal, données relatives au mode de chauffage et autres raffinements, le volume de base à tarif subventionné étant calculé sur la base d’un logement bien isolé.

Trop éloigné des réalités multiples de nos concitoyens, ce système nécessiterait un inventaire à la Prévert pour garantir une prise en compte égale de toutes les situations existantes.

L’incitation par l’argent pour consommer moins n’est pas juste. Il s’agit non de punir, mais de continuer d’informer, de sensibiliser et d’accompagner. Le dispositif proposé frappera les plus modestes, déjà victimes de la précarité énergétique, ainsi que la majorité des classes moyennes, trop aisées pour bénéficier des tarifs sociaux mais pas assez fortunées pour procéder aux travaux d’isolation qui les feraient échapper à la sanction instituée via le malus.

Pourtant, si l’on passe en revue l’ensemble des services publics, on observe qu’aucun d’eux n’opère de différentiation de tarifs suivant le mode de consommation du service. On ne paie pas plus cher après cinq visites chez le médecin, et le tarif du timbre-poste est le même quelle que soit la distance parcourue par le pli affranchi, sur le territoire français.

Par ailleurs, ce texte est impraticable car empreint d’une trop grande complexité. Il reste très imprécis, et manque d’une étude d’impact préalable, comme nous l’avons dit en commission. Pour s’en convaincre, il suffit de relever tous les renvois faits soit au pouvoir réglementaire, soit à des études qui viendront éclairer la décision du législateur a posteriori.

Madame la ministre, nous sommes loin d’une revalorisation du Parlement et du travail parlementaire !

De surcroît, comment définir les zones climatiques et le volume de consommation autorisé ? Comment résoudre la question du chauffage collectif ou celle des relations entre propriétaires et locataires ? Comment pourra-t-on discerner ce qui relève du « mauvais » comportement ou de la vétusté du logement pour répartir les responsabilités en cas de location ? Les diagnostics énergétiques, qui ne sont ni fiables ni opposables, loin de résoudre les contentieux, pourront peut-être en susciter de nouveaux.

Cependant, Bercy nous informe que 30 % des foyers passeront au travers du mécanisme, tant il sera malaisé de récolter et de recouper des informations fiables. Sans compter que ce texte est assorti de sanctions pénales.

Ce ne sont là que quelques éléments, mais nous les connaissons bien : les médias et les associations de consommateurs ont suffisamment relevé les incohérences de ce texte, qualifié à juste titre d’« usine à gaz ». C’est pourquoi nous demandons la suppression de ce dispositif à l’article 1er.

Sur le volet environnemental, nous pensons qu’il faut effectivement donner priorité à l’utilisation de l’électricité existante, mais non consommée. En en ce sens, l’effacement s’inscrit dans une logique vertueuse.

Toutefois, pour nous, l’effacement doit être intégré à une action de maîtrise de la demande d’électricité pour réduire la pointe initiée et pilotée par RTE, ERDF et l’État. Il faut garder à l’esprit que l’effacement consiste à décaler, et non pas à systématiquement annuler une consommation d’énergie. C’est donc un système public cohérent organisé autour de la maîtrise de la demande d’électricité qu’il faut mettre en place.

Or le mécanisme des articles 7 et suivants crée un système de spéculation sur l’effacement. Ces articles n’ont pas leur place dans cette proposition de loi.

Il n’est pas admissible de construire un marché concurrentiel au profit d’opérateurs privés comme Voltalis, qui sera de plus en situation de quasi-monopole sur ce marché de l’effacement diffus.

C’est pourquoi nous avons déposé des amendements tendant à supprimer ces dispositions.

Enfin, l’introduction, en pleine nuit, de cavaliers législatifs destinés à modifier profondément la réglementation régissant l’implantation des champs d’éoliennes, offrir une manne financière aux opérateurs privés du secteur et programmer une nouvelle hausse de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, payée par tous les usagers domestiques, n’est pas tolérable. L’éolien, filière industrielle aujourd’hui en difficulté, mérite à notre avis mieux qu’un semblant de débat en catimini !

Ce texte arrive donc dans la précipitation, avant même que le débat national sur l’énergie ait eu lieu. Il aurait été opportun, sur des enjeux de cette ampleur, que l’ensemble des élus de gauche soient associés à la réflexion.

Nous avons pu lire et entendre que les sénateurs communistes ne permettraient pas au Sénat de s’exprimer, alors même que les possibilités de débats étaient tronquées dès le départ. Ainsi, il apparaît que les propositions de réécriture avancées par le rapporteur, dont nous saluons de nouveau les efforts, n’étaient de toute façon pas admissibles par vous-même, madame la ministre, puisque vous auriez émis un avis défavorable sur l’article 1er réécrit par notre commission.

Mme Delphine Batho, ministre. Vous n’en savez rien, puisque le débat n’a pas eu lieu !

Mme Mireille Schurch. Sans parler des cavaliers législatifs sur l’éolien, introduits en pleine nuit à l’Assemblée nationale.

D’autres nous rappellent que l’hiver arrive… Notre groupe a bien conscience, et depuis de nombreuses années, de cet aspect de la question. Je vous renvoie, madame la ministre, aux différentes propositions de loi que nous avons déjà déposées par le passé sur le sujet.

Le service public, tel que nous le concevons et tel qu’il a été construit, fait de l’égalité de traitement et de la solidarité nationale des exigences incontournables. Tout simplement parce que l’ensemble des Français supportent le pacte nucléaire. Tout simplement parce que l’ensemble des Français ont participé et participent à l’effort de construction et de maintien d’un réseau de transport et de distribution performant via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE – entre autres dispositifs – et au développement des énergies renouvelables via la CSPE.

Nous réaffirmons donc la nécessité de la création d’un véritable service public de la performance énergétique, avec l’organisation d’une filière de l’évaluation et de la rénovation thermique, ainsi que l’urgence tant de l’extension du nombre des bénéficiaires de tarifs sociaux de l’énergie que de l’interdiction des coupures durant la trêve hivernale.

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